De Perrodil Édouard (23/01/2016)
À travers les cactus
Traversée de l’Algérie à bicyclette (1895)
Auteur : Édouard De Perrodil
Préface de Jacques Seray
Volontiers désigné comme le poète à bicyclette, Édouard de Perrodil, rédacteur-cycliste au Petit Journal et au Figaro, était, à l’instar de Jarry, un inconditionnel de la « petite reine ». On lui doit d’autres ouvrages sur ses pérégrinations cyclistes dont le très remarqué Vélo ! Toro ! De Paris à Madrid à bicyclette, en 1893.
À travers les Cactus, le récit de sa traversée de l’Algérie en duo, à la fin du XIXe siècle, est intéressant à plus d’un titre. D’abord, par le côté sportif et la performance indiscutable consistant à parcourir le pays d’ouest en est, dans le sirocco et la chaleur étouffante de la campagne et des plateaux algériens, sur des machines qui étaient loin à l’époque d’avoir les atouts de nos bicyclettes contemporaines. Ensuite, par le côté pittoresque, exotique. Première traversée de l’Algérie en 1895 par deux Occidentaux, ce récit, met en scène deux individus atypiques : Van Marke, jeune belge atteint d’une foudroyante métamorphose - il devient alors totalement amorphe - dès qu’il descend de machine, et son mentor Édouard de Perrodil, espèce de reporter-gentleman à bicyclette, catholique et bien élevé, qui nous fait découvrir une Algérie où les colons sont légions et l’indigène encore loin d’avoir acquis l’estime à laquelle il pourrait prétendre. Enfin, l’ouvrage a beau être un récit d’aventures divertissant, c’est aussi un récit avec la vision étroite et peu reluisante d’un métropolitain découvrant l’indigène arabe dans la France coloniale. Et même si l’on reconnaît à Perrodil ses diverses qualités d’aventurier et de littérateur voyageur, on ne peut que regretter sa vision teintée d’un antisémitisme détestable et d’un racisme primaire face à l’Arabe autochtone, certains passages, avec notre vision éclairée d’Européen du XXIe siècle, pouvant sembler d’une impardonnable légèreté.
C’est donc à double titre que ce livre est un document intéressant : il ravira à la fois les amoureux de la « petite reine », les amateurs de voyages originaux au long cours et ceux qui estiment qu’un récit, fût-il, d’un vélocipédiste naguère célébré, peut parfois en dire long sur les mœurs et les idées d’une époque révolue.
Commentaire de Jean-Yves MOUNIER
Il faut avant tout voir ce récit comme un témoignage de l'époque, comme la vision d'un Français bien français confronté à d'autres réalités, à d'autres valeurs mais sûr de sa supériorité, de la vérité de ses pensées et de ses valeurs humaines.
Alors que les cyclos voyageurs actuels partent pour la plupart à la recherche des différences, ont soif de découvertes et d'enrichissement mutuel, Édouard de Perrodil parcourt les routes – ou ce qui pourrait s'en rapprocher – du haut de sa supériorité d’occidental – en jetant un regard méprisant sur les êtres rencontrés, forcément différents, forcément inférieurs, oubliant par trop que cette « infériorité » était entretenue par le pouvoir en place dans un souci d'hégémonie dont l'Histoire montrera qu'il ne pouvait que conduire à une impasse.
Comme Hergé dans « Tintin au Congo », l'auteur se fait le témoin des erreurs de son époque, il en est même le porte-parole et il pourra toujours lui être reproché de ne pas avoir véhiculé dans ses textes, fort lus à son époque, une vision plus positive des autres, juifs et musulmans en tête.
Reste ce témoignage qu'il aurait été dommage de ne pas connaître, ne serait-ce que pour mieux mesurer combien l'Homme peut être un loup pour l'Homme.
2011 - 232 pages - Jacques Flament Éditions
Prix : 16,90 €
Livre lu et apprécié par le comité de lecture du blog
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