Leboutte Patrick, Cornec Gilles, Le Roux Hervé (20/11/2016)
Cinégénie de la Bicyclette
Où l'on découvre comment les courses cyclistes enfantèrent le cinématographe pour redonner aux corps de la lumière.
Éloge
Auteurs : Patrick Leboutte, Gilles Cornec, Hervé Lé Roux
Présentation de Christophe Drouet, Les Inrocks, 30/11/95
Qui n’a jamais joué Kuiper contre Zoetemelk en poussant des billes sur la plage de ses 10 ans a tout intérêt à les mettre dans Cinégénie de la bicyclette, dernier opus en date de l’intransigeante collection “De parti pris” chez Yellow Now. Sacré virage relevé que le tandem à trois plumes Leboutte-Cornec-Le Roux emprunte à son rythme. Voici donc un petit traité de littérature où le cyclisme bat la campagne du cinématographe en trois temps.
Le démarrage en côte, c’est Leboutte qui s’y colle, avec une tentative d’épuisement du lieu de sa mémoire vélocipède : “Le premier film, la sortie des usines Lumière à Lyon, réalisé d’un seul tenant, sans collures ni montage, propulsait littéralement de l’ombre vers la clarté un corps collectif, celui de la classe ouvrière, avec au beau milieu du plan un homme en chapeau qui poussait un biclou. On n’aurait pu trouver plus belle inauguration.” Qu’on ne s’y trompe pas, cette histoire parallèle permet à Leboutte de déterminer comment il pénétra de plain-pied dans le réel ses luttes de classes, la géographie des campagnes, l’histoire des noms par le biais du peloton. Pour celui qui se déclare à présent “chiappuciste, tendance Merckx”, le vélo a suscité son amour pour le film, ce lieu où “entre le début et la fin tout a bougé”.
Gilles Cornec, deuxième relayeur de cette équipe internationale, tient le rôle de l’historien. Ferro à tendance Gaul, il conte par une dramaturgie digne de la montée de L’Alpe d’Huez la fantastique carrière de Gino Bartali, dit Gino le Pieu. Résistant au fascisme comme au retour de Coppi, Bartali a fendu les boyaux à un rythme qui n’admettait pas les “suceurs de roue”. Mêlant éthique politique et esthétique vélocipédique, Cornec, à la manière de JLG, résout sa petite équation bartalienne : “Les trois surnoms de Bartali sont fort clairs et fort bien trouvés. De la solidité. De l’âge. De la piété. Ils ne font qu’un : la piété donne force sur le temps.”
Hervé Le Roux, en danseur éclairé, grimpe et achève le périple du “bicyclographe”. Il dresse une archéologie de ce que le biclou lui a enseigné. “Que la route s’élève, et le film bascule : si la plaine est renoirienne, la montagne est hawksienne. L’équipe se transforme en phalange, en commando, la terminologie devient plus martiale on parle d’un leader et de ses lieutenants, chaque équipe a son capitaine de route et nous voici dans un film de guerre.” Mais au fait, messieurs, à qui est le petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?
Référence : Les Inrocks
1999 – 64 pages – Yellow Now et Rencontres cinématographiques de Dunkerque
15:07 Écrit par Biblio-cycles | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer